Historiquement, dans le transport maritime, la croissance continue des navires circulant d’est en ouest (ou le contraire) autour de la planète entraînait un décalage par jeu de dominos, la nouvelle génération de navires poussant la précédente sur des liaisons de second rang, la précédente poussant l’avant-dernière sur les liaisons de troisième rang et ainsi de suite. L’Afrique en règle générale ainsi qu’une partie de l’Amérique latine devenant des limites dures pour ce jeu, avec des infrastructures portuaires qui « ne grandissaient pas, ou très peu ».

 

Comprendre le triptyque Navire-Marchandise-Destination

 

Avec la libéralisation des économies portuaires en Afrique de l’Ouest au début des années 2000, la longueur de quai moyenne a augmenté, tandis que les quais en eaux profondes sont devenus l’apanage des terminaux Conteneurs, les autres quais restant des laissés pour compte.

Ainsi aujourd’hui on peut voir des 10 000 EVP descendre en Afrique de l’Ouest depuis l’Europe, ou partir depuis l’Asie et passer le Cap en Afrique du Sud, pour remonter ensuite en Afrique de l’Ouest, puis finir en Europe. Schéma de rotation maritime inimaginable avant les années 2000. [Non pas pace que les 10 000 EVP n'existaient pas, mais parce qu'envoyer des navires non gréés en Afrique était improductif]. Le transport Conteneurisé est donc le grand gagnant de cette libéralisation qui n’a fait que conforter « le principe de massification » à l’œuvre dans les économies développées. De facto, les navires porte-conteneurs gréés se font de plus en plus rares dans les ports européens. Les navires gréés étant généralement qualifiés de « Handy » Size car la présence de moyens de manutention à bord du navire leur permet d’escaler dans des ports où la manutention terrestre n’est pas réputée pour sa fiabilité, voire pire, absente.

 

 

 

La taille du navire utilisé est choisie en fonction de la...

 

Le mouvement qu’a connu le transport Conteneurisé n’a pas encore gagné les autres secteurs : vrac, conventionnel, heavyload (colis lourds,masse indivisible) ou transport de produits pétrochimiques.

C’est précisément là que se rencontrent les impératifs de taille de navire pour abaisser au maximum le prix de la tonne de marchandise transportée ; la taille du navire étant limitée elle-même par la longueur de quai et / ou le tirant d’eau, quand ce n’est pas par la largeur (ou par la longueur) d’une écluse dans le port de destination.

Certains pays qui n’ont pas encore « poussé » les silos de céréales jusqu’au bord des quais maritimes se voient contraints d’imposer plusieurs escales à un même navire dans ses différents ports, la capacité d’accueil des silos dans un seul port ne suffisant pas à vider la totalité du navire. [Certains ports n’ont d’ailleurs pas de silos bord à quai et sont obligés de mettre en œuvre des norias de camions pour aller remplir des silos disponibles en dehors des ports.]

Exemples :

  • Au Maroc, le tirant d’eau maximum est de 9 mètres dans une majorité de ports « céréaliers » ;

  • En Algérie, la longueur moyenne des quais est de 180 mètres, toute nature de trafic confondue. L’Algérie étant et restant l’un des premiers clients de la place rouennaise en termes de céréales, le standard en volume pour le marché algérien est donc de 30 000 tonnes. Sauf travaux d’infrastructures portuaires massifs du côté des ports algériens(approfondissement du tirant d’eau + allongement des quais + construction de nouveaux silos Bord à Quai).

  • En Afrique de l’Ouest, les navires ConBulk (ex série ABCD de DELMAS par exemple) ou navires MPP (multipurpose comme ceux de BOCS par exemple) doivent souvent faire plusieurs escales pour vider les cales de grains remplies à Rouen.

 

En conclusion, augmenter le tirant d’eau ou allonger la longueur des quais sans augmenter la taille des silos en bord à quai, ne produira pas d’effets bénéfiques sur le prix des achats de matières premières.

 

 

 

Les navires classés (arbitrairement) par grandes familles en fonction de leur taille :

 

Coaster : de 4 000 à 5 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 2 à 5 m

Intermédiaire : 10 000 à 15 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 5 à 10 m

Handysize : 15 000 à 35 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 8 à 10 m

Handy Max : 35 000 à 50 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 10 à 11 m

Supra Max : 53 000 à 55 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 10 à 12 m

Panamax : 65 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 12,0 m

AfraMax : 80 000 à 120 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 12 à 13 m

Capesize : 150 000 tonnes de port en lourd et plus - Tirant d’eau en charge maximale : plus de 14 m

Dont SuezMax : 240 000 tonnes de port en lourd - Tirant d’eau en charge maximale : 20,1 m

Dont Dunkirk Max, Setouch Max, new Panamax, Malacca Max, etc...

 

 

ATTENTION :

L’expression Tonnes de Port en Lourd (TPL) représente le poids maximal transportable par un navire. Dans ce poids maximal on trouve bien évidemment la marchandise, mais aussi les soutes pour faire avancer le navire, le gazole pour les moteurs auxiliaires, l’huile pour lubrifier le moteur, l’eau potable pour l’équipage, etc…

Consulter la rubrique Documentation du site pour en apprendre plus et en particulier : Jauge et Tonnage.

 

Il existe bien d’autres tailles, à rapprocher de telle ou telle région du globe ou ports du monde. Pour en apprendre plus consulter cette page externe.

 

Le Grand Port Maritime de Rouen, premier port céréalier de France ET de l'Europe Communautaire

 

A Rouen, premier port français pour l’exportation de grains tout type confondu (alimentation humaine ou animale) avec plus de 40% minimum de part de marché, la capacité moyenne des navires remontant la Seine pour aller charger aux pieds des silos rouennais est passé de 15 000 tonnes de port en lourd dans les années 2000 à 20 000 tonnes de port en lourd entre 2015 et 2020. Ceci s’explique par deux raisons principales :

  • D’une part les clients traditionnels du port de Rouen (Afrique du Nord et de l’Ouest) voient leur part dans le total des exportations rouennaises de céréales diminuer au profit de nouveaux clients qui s’approvisionnent à Rouen pour des raisons conjoncturelles (impacts météorologiques du changement climatique sur les moissons) ou politiques (surtaxation à l’import pour les produits de certains pays, accords bilatéraux de libre-échange, etc…).

  • D’autre part, les céréales sont exportées de plus en plus loin de la France et donc, de facto, la taille des navires doit augmenter pour rendre supportable le coût du transport. Surtout en période de renchérissement du coût des soutes. La politique d’achat en matières de céréales de la Chine n’étant pas particulièrement lisible sur le court / moyen terme, son intervention en tant qu’acheteuse pousse nécessairement la taille des lots et des navires à la hausse. Et gouverne le prix et la raréfaction des produits concernés.

  • Le marché des céréales restant encore aujourd’hui un marché de proximité (à l’échelle du globe s’entend), beaucoup de Coasters viennent à Rouen, La Pallice ou Dunkerque pour se rendre dans les ports de nos pays voisins immédiats (Espagne, Portugal, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni). Leur petite taille leur permettant de desservir les ports de second rang ou des silos sur des voies navigables intérieures afin de décharger au plus près des industries de transformation.

 

 

En Chine et en Egypte, la politique d’achat publique « impose » 60 000 tonnes par lot acheté. Le navire au format Panamax est donc LE navire imposé pour les ventes à destination de l’Egypte ou de la Chine. Poussant de fait ces navires à faire une double ou une triple escale en France puisque ne pouvant sortir de Rouen avec un tirant d’eau supérieur à 11,3 mètres. Dans les faits les Panamax qui viennent charger à Rouen en direct, font tous un stop à Dunkerque ou à La Pallice (le port commercial de La Rochelle) pour compléter leur chargement, après avoir descendu la Seine.

 

La taille du navire limitant dans les faits l’accès à une majorité de ports de destination, le triptyque taille du navire / nature de la marchandise / destination de la marchandise « fabrique » de manière induite la disponibilité / l’indisponibilité de certaines tailles de navires sur certaines routes où, par nature, les navires les plus grands n’ont pas de raison d’être.

Ceciest à pondérer par le fait qu’il y a fort à parier que les infrastructures portuaires ne pourront pas résister longtemps à une obligation de croissance (longueur de quais, profondeur de tirant d’eau) pour rester dans la course au prix (d’achat) le plus bas… Lorsque ces pays se trouvent sur des « routes maritimes Panamax », évidemment.

Dans le même temps, les ports en dehors des « grandes routes Panamax » où les Supra Max et plus sont la règle, n’ont guère intérêt à entamer de tels travaux puisque la disponibilité des navires Handy et inférieure sera toujours supérieure à la disponibilité des Supra et plus.

Voilà pour les grandes règles qui régissent le transport non conteneurisé par voie maritime.

Ces grandes règles peuvent être mises en difficultés / balance par des évènements climatiques par exemple. Si la météorologie impacte négativement la machine exportatrice française, les Panamax en sortie habituellement d’Europe de l’Ouest sont repositionnés vers les autres grandes zones d’exportation de céréales (Ukraine, Etats-Unis d’Amériques, Inde, etc…) Ce qui influe peu sur les taux de fret. Mais lorsque toutes les zones sont touchées en même temps, les taux d’affrètement des Panamax peuvent être hauts en début de campagne pour évacuer rapidement le disponible exportable, et chuter brutalement en deuxième partie de saison, faute de marchandises à transporter. Du coup, les taux des Panamax baissant, les tailles inférieures subissent également la baisse puisqu’elles sont attaquées sur leur marché traditionnel par les Panamax. Sous réserve bien évidemment que les ports de destination puissent accueillir des Panamax. On peut ne pas charger complètement un Panamax pour limiter son tirant d’eau, mais on ne peut ni le raccourcir (longueur), ni le rétrécir (largeur), donc les spécificités du port de destination pèsent toujours lourd dans la balance.

 

 

Production céréalière française : des chiffres pour fixer les idées

 

La machine céréalière française pèse environ 62 à 68 millions de tonnes annuelles pour 9,4 millions d’hectares cultivés. Elle fait vivre environ 300 000 producteurs français.

Les exportations annuelles françaises (qui varient bien évidemment en fonction de la météo) pèsent environ 40 à 45% des 62 à 68 millions de tonnes. Ce qui représente environ 150 avions AIRBUS exportés en terme de valeur.

Un peu plus de la moitié des exportations françaises se font par la voie maritime.

La France est la première puissance céréalière exportatrice de l’Union Européenne ; la France est le 8ème producteur mondial de céréales et le 5ème exportateur mondial de blé tendre.

 

L’Algérie importe 43% des exportations de blé tendre exportées hors Union Européenne par tous les pays exportateurs de l’UE (dont la France).

La Belgique importe 42% des orges exportées dans l’Union Européenne par tous les pays exportateurs de l’UE (dont la France) ; les Pays-Bas, 27%.

La Chine et l’Arabie Saoudite sont les deux plus grands importateurs mondiaux de céréales tout type confondu. Et donc les principaux débouchés de la production mondiale de céréales.

 

 

 

Classement des principaux ports français exportateurs de céréales :

 

Les chiffres suivants (part de marché) sont calculés sur la base d’une moyenne sur les 5 dernières campagnes céréalières à l’export. (donc de 2014/15 à 2018/19) :

Rouen : 41%

La Pallice : 23%

Dunkerque : 06%

Bordeaux : 05%

Nantes : 04%

Fos-sur-Mer : 03%

Bayonne et Caen : 02%

 

 

 

 

Production mondiale :

 

700 millions d’hectares sont cultivés dans le monde entier pour une production d’environ 2,7 milliards de tonnes de céréales produites.

Les principales céréales produites (et donc échangées via les traders) sont :

  • Le blé : 764 millions de tonnes,

  • Le Maïs : 1 112 millions de tonnes

  • Les Orges : 0156 millions de tonnes

 

Pour le blé, la Russie est devenue le premier exportateur avec 19% de part de marché devant l’UE avec 17%.

L’Egypte et l’Indonésie sont les deux principales importatrices de blé au niveau mondial.

Le blé est consommé par trois milliards d'individus sur Terre, ce qui en fait une "céréale à part", quasi comparable à un métal précieux sur les marchés, étant donné l'irrégularité de sa disponibilité à la surface de la planète.

 

 

 

Pour le Maïs, le tandem Brésil-Argentine pèse 50% de la production mondiale et devance les Etats-Unis d’Amérique avec 26%.

L’Union Européenne n’est pas auto-suffisante en matière de Maïs et est donc le premier importateur mondial.

 

 

 

Notions connexes :

Le négoce des céréales dans les mains des ABCD.

Capacités de stockage en silos des principaux ports français exportateurs de céréales (à venir).